“Ordalie” is David Crunelle’s first solo exhibition since the presentation of the series “Intarsia” in 2019. This time the Brussels-based artist is interested in the great figures of Belgian history, whose past glory is confronted with the management of the current health crisis in his country. What remains of the legacy of these national “heroes” when a country regularly makes the headlines in the foreign press because of a disastrous human toll?

With his scalpel, David Crunelle strips these historical figures of their iconic aura of yesteryear and reduces them to the level of today’s decision-makers, mere human beings powerless in the face of a phenomenon that is completely beyond them. By exploiting the visuals of the series “Nos Gloires”, published by Artis Historia between 1949 and 1962, the artist denudes in this way national symbols, yet so dear to the eyes of a generation laminated after a year of hazardous management.

The title “Ordalie” takes a harsh look at political action in the context of an unprecedented crisis. Roughly put to the test, the response of our rulers seems to rely on a form of divine judgment whose outcome no one can predict.

The exhibition runs from May 21 to June 26 (opening on Thursday, May 20) at the Zedes Art Gallery in Brussels and coincides with the scheduled reopening of the cultural venues.

« Ordalie » est la première exposition en solo de David Crunelle depuis la présentation de la série « Intarsia » en 2019. L’artiste bruxellois s’est intéressé cette fois aux grandes figures de l’Histoire belge, dont la gloire passée est confrontée à la gestion de la crise sanitaire actuelle dans notre pays. Que reste-t-il de l’héritage de ces “héros” nationaux lorsqu’un pays fait régulièrement la une de la presse étrangère en raison d’un bilan humain désastreux ?

De son scalpel, David Crunelle ampute ces personnalités historiques de leur aura iconique d’antan et les rabaisse au niveau des décideurs actuels, de simples êtres humains impuissants face à un phénomène qui les dépasse complètement. En exploitant les visuels de la série Nos Gloires, publiée par Artis Historia entre 1949 et 1962, l’artiste dénude de la sorte des symboles nationaux, pourtant si chers aux yeux d’une génération laminée au bout d’une année de gestion hasardeuse.

Le titre « Ordalie » porte un regard sévère sur l’action politique dans un contexte de crise sans précédent. Rudement mise à l’épreuve, la réponse de nos gouvernants semble en effet s’en remettre à une forme de jugement divin dont personne ne peut prédire l’issue.

L’exposition se déroule du 21 mai au 26 juin (vernissage le jeudi 20 mai) à la Zedes Art Gallery à Bruxelles et coïncide avec la réouverture programmée des lieux culturels. 

After spending the first lockdown examining the looming disaster in the United States, David Crunelle made the most of the paralysis of the second lockdown to take a critical look at his own little homeland.

He casts an uncompromising glance at the smoke and mirrors, the farce and the pretence of Belgium. This is the farce of ‘Belgian surrealism’: it’s supposed comedy is an empty and smug lament. It uses kids urinating in public and mounds of mussel shells to mask its stupidity, mediocrity and selfishness.

Fascism is on the rise, migrants are drowning at sea and old people in nursing homes are succumbing to the pandemic. Yet party presidents are like political weathervanes, ordering ministries and state secretariats to get bogged down in petty squabbles. Belgium sings a jolly, cheerful ditty. It wants to be seen as wise and serious, but others see it as a pathetic clown.

There was once a time when Belgium had pretensions of grandeur, drawing on its ‘glorious past’ and characters that could be admired – even if they were a historical travesty. This was the charade of the so-called White Fathers and Tintin in the Congo. It was the cult of the conquering kings over unknown continents, of the knights in the mud of the Yser, of glorious industry and silicosis, of the bravest of all Gaul’s peoples, and the valiant struggle against the Spanish occupiers.

David Crunelle addresses this charade with the help of a cultural institution has accompanied Belgium’s swan song and cradled the childhood memories of those currently dying anonymously in recovery rooms: the Artis Historia publications. Every family that used participating products was rewarded with points giving them access to Artis Historia’s educational tales about their beloved homeland.

This is how an entire population learned about ‘Nos Gloires’ – Our Glories – and saw Belgium as bigger than it was. Unity was strength and Belgians followed in the footsteps of great men from whom they had inherited a small but prestigious kingdom. They were called on to continue this work. Amid this concert of European nations, strengthened by its farms and factories, Belgium sought to build a pantheon for itself, believing that the judgment of Gods would confirm its existence. Unfortunately, the ordeal – or ‘ordalie’ – did not have the desired effect. The Gods did not lend a hand to humans to confirm their righteousness. The ordeal involves putting one’s life in the hands of the deities. Disavowal usually means death.

Today, the glorious characters of eternal Belgium have no heirs and, for the most, have returned to obscurity or been ostracized. The sacred union surrounding Belgium’s great figures is over and we struggle to remember why this attachment even existed.

In the ruins of a country scorned for its pandemic response, David Crunelle reclaims ‘Nos Gloires’. He shatters its image. It is both a mourning for a lost world and a joyous release from the rancid embrace of a ghostly forefather. While Belgium chokes and drowns in its respirator pipes, Crunelle dances.

Comme il avait mis à profit le premier confinement pour interroger la catastrophe qui s’annonçait aux Etats-Unis, David Crunelle a saisi la paralysie causée par le deuxième confinement pour poser un regard critique sur sa petite patrie.

Il jette un regard sans complaisance sur le miroir aux alouettes qu’est la Belgique, entre farce et faux-semblants. Farce du « surréalisme belge » qui habille des couleurs de la drôlerie, le pathétique de la vacuité et de l’autosatisfaction ; qui masque sous les gamins urinant en public et les monceaux de coquilles de moule, sa bêtise, sa médiocrité et son égoïsme.

Tandis que montent les fascismes, que meurent les migrants, que crèvent les vieux parqués dans les homes livrés à la pandémie, que s’agitent les girouettes politiques imbues de leur présidence de parti et que s’embourbent les héritiers des ministères et des secrétariats d’État aux querelles de clochers, la Belgique se chante le refrain de la légèreté et de la drôlerie. Elle se veut Auguste, quand elle n’est qu’un pitre à l’agonie.

Pourtant, il fut une époque où la Belgique se donnait des lettres de noblesse, puisant dans son « glorieux passé », des figures qu’elle pourrait admirer, fût-ce au prix du travestissement de l’histoire. Ce temps de faux-semblants était celui des Pères Blancs et de Tintin au Congo, du culte des rois conquérants de continents inconnus ou chevaliers dans la boue de l’Yser, de l’industrie glorieuse et de la silicose, de l’histoire édifiante du plus brave de tous les peuples de la Gaule et de la vaillante lutte contre l’occupant espagnol.

David Crunelle s’en saisit au travers d’une institution qui accompagna le chant du cygne de la Belgique et qui berça l’enfance de ceux qui agonisent aujourd’hui dans l’anonymat des salles de réanimation : les ouvrages « Artis Historia ». Chaque famille qui consommait les produits participants était récompensée par des points lui donnant notamment accès à l’édifiant récit de sa chère patrie.

C’est ainsi toute une population qui apprit à connaitre « nos gloires » et à voir la Belgique plus grande qu’elle ne l’était. L’union faisait alors la force, les Belges marchaient dans les pas de grands hommes dont ils avaient hérité un petit mais prestigieux royaume et ils étaient appelés à prolonger cette œuvre. Au milieu du concert des nations européennes, forte de ses seules fermes et usines, la Belgique a voulu s’inventer un panthéon, convaincue que seul le jugement des dieux confirmerait son existence. L’ordalie n’a hélas pas eu l’issue escomptée et les dieux ne sont pas venus prêter main forte aux humains pour confirmer leur bon droit. Or, l’ordalie revient à mettre sa vie entre les mains des divinités. Un désaveu signe le plus souvent la mort.

Aujourd’hui, les glorieux personnages de l’éternelle Belgique sont sans héritiers et, pour la plupart, retournés à l’oubli ou voués aux gémonies, l’union sacrée autour des grandes figures a vécu et nous peinons à nous rappeler du sens que pouvait bien avoir cet acharnement à exister.

Dans les ruines d’un pays ridiculisé par sa réponse à la pandémie, David Crunelle se réapproprie « nos gloires ». Sans les tirer de l’anonymat, il en éclate l’image, entre tentative de deuil d’un monde disparu et joie de sentir se déserrer l’étreinte rance d’un fantomatique aïeul. Alors que la Belgique suffoque, inconsciente, noyée sous les tuyaux de son respirateur, il danse, avec rage et tristesse.

Artis – Historia est une maison d’édition belge, qui a publié des livres durant la seconde moitié du xxe siècle.
Cette maison avait acquis sur le marché belge une grande notoriété grâce à son système d’épargne développé en synergie avec de grandes marques de produits de grande distribution.

Jean-Léon Huens (1921-1982) commence en 1949 à travailler sur la collection Nos Gloires. En 15 ans, il réalise plus de 400 des 534 images. Dès 1962, il reçoit de nombreux prix dont celui de la Society of Illustrators of New York.

20 April 2022 : works related to M. Huens have been removed due to copyright claims from his supposed heirs.

Auguste Vanderkelen (1915-1991), excellant dans le portrait et élève d’Alfred Bastien, a repris la succession de Jean-Léon Huens pour terminer les illustrations de Nos Gloires.